mardi, juin 20, 2006

En attendant le train


« … en attendant le train. »
C’est ainsi qu’il a souhaité alléger notre rupture. En la glissant entre deux trains en partance, dans le brouhaha de Bruxelles-Midi. Une rupture qu’il désirait presque anodine puisque notre histoire fut brève. Négligeant qu’il existe de brèves histoires inoubliables, d’autant plus inoubliables qu’elles n’eurent pas le temps de s’abîmer dans la routine.
Et je le vois, là, maintenant avachi dans l’osier de cette chaise de gare ; observant d’un œil vague l’inéluctable déclin de la mousse couronnant sa bière. J’espère dans cet avachissement, cet oubli de soi, un minimum de questions, à défaut de regrets.

Moi, je trône sur une valise vide, fierté ridicule pour afficher un départ, un train que je ne prendrai pas. Bras croisés, je fais mine d’attendre, comme tout le monde. Lui n’a même pas sauvé les apparences : aucune valise pour justifier l’anonymat sinistre de cette gare. Je prends ça comme une insulte. La colère monte. J’aurais aimé une Delsey aussi vide que la mienne ! Au lieu de quoi, son avachissement m’apparaît maintenant comme du mépris.

Heureusement (si l’on peut dire…), il se redresse brusquement dès que je m’assoie en face de lui. Mon visage crispé le gêne. Il souhaitait un blabla anodin et pense maintenant que mon irritation mérite plus d’explications. Ce calcul hypocrite ne fait qu’augmenter ma colère. Alors, l’interprétant comme de l’incompréhension, il se rend lui-même incompréhensible, mouline quelques gestes maladroits et quitte brusquement le bar quand il pense avoir suffisamment justifier son absence de sentiments.
Et moi je n’ai bafouillé que quelques mots ridicules, toujours désarmée devant cette lâcheté, pourtant récurrente au point, qu’avec le temps, j’aurai du fignoler un réquisitoire en béton. Mais ma colère cède le pas devant ma déception.

(Je reconnais cependant le confort inattendu des chaises en osier. Je m’y vautre maintenant à mon tour. Ma valise vide trône toujours au milieu de la gare : un joli flic tourne autour, le regard suspicieux. — Je me lève et m’approche de lui en souriant).
O.Cariot

Merci Olivier (O. Cariot), de m'avoir laissé ce petit bout d'hisoire inspiré par le dessin ci dessus. C'est une très belle surprise et peut être que ton histoire inspirera d'autres talents à son tour. Toutes les autres inspirations spontannées sont les bienvenues.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est vrai qu'elle a l'air plutôt désabusé !

Garène a dit…

une vrai Tirlatronche, tu veux dire!